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Photo du rédacteurSébastien Latendresse

Faire face à l’abstinence ou l’art de « vivre ses émotions à froid »

La plupart des dépendances tirent leur origine de problèmes plus profonds, biens ancrés chez ceux et celles pour qui la drogue, l’alcool, le jeu ou quelconques activités compulsives sont devenus une obsession. Bien que toutes les histoires soient différentes, une caractéristique commune fait fréquemment partie de l’équation : la gestion inadaptée des émotions. Si ce remède autoadministré que peuvent représenter les substances psychotropes, par exemple, permet d’adoucir les effets nocifs de notre manque d’habilités émotionnelles, il n’en demeure pas moins que le jour où nous cessons de consommer, nos émotions refont surface avec leur lot de souffrances. L’abstinence, c’est ce qu’on pourrait appeler « vivre ses émotions à froid ».


Le soulagement dans la fuite


Une citation m’a un jour marqué par sa véracité frappante : « vous pouvez fermer les yeux sur les choses que vous ne voulez pas voir, mais vous ne pouvez pas fermer votre cœur aux choses que vous ne voulez pas ressentir ». Comme l’être humain se plait à contre-argumenter, une version alternative est née : « je peux fuir ce que je ne veux pas ressentir ». Pourquoi? Se soulager, évidemment. Et de quoi? Des souffrances, sans aucun doute.


Nier, fuir et anesthésier.


La recette est assez simple. Si une épreuve nous parait insurmontable, on peut nier son existence ou faire comme si elle ne nous atteignait pas réellement. Ces attitudes se manifesteront par du déni (faire comme si ça n'existait pas), la rationalisation (se convaincre que ce n’est pas si grave) ou le refoulement (oublier). Ainsi pour se protéger de l’angoisse qu’engendre le ressenti de nos émotions, on opte pour la fuite, ce qui donne l’impression de s’éloigner du problème et de l’amoindrir. Viendra enfin le moment où les inconforts seront trop incommodants, favorisant ainsi la volonté d’anesthésier la douleur (alcool, drogue, sexualité, magasinage, jeu compulsif, etc.). Mais est-ce réellement efficace, telle est la question.




Une femme ferme les yeux sur son problème de dépendance. Déni, fuite.
Fermer les yeux sur un problème ne fait pas en sorte qu'il disparait.

Soulager, vraiment?


Ces solutions peuvent paraitre contre-productives, ou bien assez temporaires. Voilà pourquoi certains les qualifient de béquille. On peut imager cela en extrapolant quelque peu : sans traitement approprié et sans repos, votre fracture à la jambe risque de guérir de façon peu efficace, et ce, même si vous adoucissez les répercussions en vous promenant sur vos appuis en aluminium. Ça soulage, mais ça ne guérit rien. Cette avenue temporaire, éphémère même, est pourtant utilisée couramment dans son sens figuré. Dois-je vous rappeler que de marcher avec un tel accessoire, en dépit de tout ses bienfaits, peut causer de l’inconfort à bien des endroits? C’est également ce qui se produit lorsque l’échappatoire prend la forme d’une habitude de consommation excessive, entre autres: elle devient ultimement un trouble de l’usage d’une substance. Curieux qu’un problème en engendre un autre, qui à la longue, devient plus problématique. Non?


Les émotions : y faire face à jeun


Qui a dit que les émotions devaient être diabolisées? Il faut avouer que certaines sont plus désagréables que d’autres, d’où la première étape : les identifier. Or, on peut être tenté de refuser de les ressentir. Mais c’est extrêmement difficile et les stratégies mises en place pour ce faire s’avèrent préjudiciables à long terme. Sans entrer en détail sur le sujet, ce sont nos pensées qui influencent principalement notre état émotionnel, ce qui aura forcément des répercussions sur nos comportements par la suite. Ainsi, si nous ne sommes pas habiletés à faire face aux émotions qui nous habitent, nos choix risquent de pencher vers des moyens rapides, perçus comme moindrement efficaces et/ou apaisants. En revanche, qu’arrive-t-il lorsque nous optons plutôt pour des réponses davantage réfléchies et un peu moins, dommageables?


Affronter, tenir tête et accepter.


Toute nouvelle habitude implique une période d’apprentissage, de mise en pratique et d’intégration. C’est très rare qu’une personne passe d’un pôle à l’autre en matière de gestion des émotions. Il faut donc du courage, du soutien et de l’introspection afin de favoriser la formule idéale : affronter les épreuves en tenant tête au désir de fuir, tout en acceptant les inconforts. Oui, le changement est inconfortable. Oui, les épreuves sont parfois douloureuses. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant qu’il est inatteignable, ou qu’elles sont insurmontables.


Au-delà du sevrage


Sous-estimer l’impact du sevrage sur le corps humain serait déraisonnable. L’ensemble des symptômes reliés à l’arrêt ou la diminution d’une consommation d’alcool excessive, par exemple, comporte des dangers. Si la cessation d’autres substances (tel le Cannabis), s’avère un peu moins ardue sur le plan physique, toujours est-il que l’obsession, elle, peut demeurer. Si on ajoute à cela des émotions désagréables perçues comme étant impossibles à surmonter, l’objectif devient encore plus difficile à atteindre (ou à maintenir). Cependant, une fois la période cruciale traversée (le cas échéant), la gestion efficace du monde affectif devient un atout parmi un amalgame d’outils à notre disposition, c’est-à-dire que le développement de moyens alternatifs sains sur ce plan se transforme en un facteur qui nous éloigne de la consommation.



Objectifs de se connecter davantage à nos émotions. cerveau.
Entrer en contact avec ses émotions peut représenter un bel objectif à atteindre pour maintenir son abstinence

'Choisir sa souffrance'


Revenons à cette expression à laquelle je suis attachée qui dit, en gros, qu’on ne peut fermer les yeux et espérer qu’un problème disparaisse par magie. Affronter une épreuve ne la rend pas nécessairement plus agréable, mais peut-être que la traverser la tête haute saura vous apporter la satisfaction que vous recherchiez. Tenir tête à l’envie de fuir est tout autant inconfortable, mais pour la traverser, pour passer de l’autre côté, on ne peut faire l’économie de lui faire face, pourquoi pas avec fierté. Tenir tête à l’envie de fuir est tout autant inconfortable, mais ne pas flancher vous permettra d’évoluer, de retrouver l’équilibre. Quant à l’inconfort, même s’il déstabilise momentanément, reste qu’il représente le moteur du changement, le signe qu’on fait les choses différemment. En résumé, choisir sa souffrance, c’est regarder honnêtement ce qui nous attend en gardant à l’esprit que chaque direction comporte son lot d’obstacles, sans jamais oublier que l’une représente un cercle vicieux qui peut devenir une descente aux enfers, et l’autre la ligne d’un nouveau départ.



Gardons en tête qu’il s’agit du pire des scénarios. Pour citer un participant, « qui a dit que ça devait être souffrant? ». Vivre ses émotions à froid peut paraitre déplaisant, confrontant voire effrayant, mais avec la pratique, vous en découvrirez les bienfaits et cela deviendra la nouvelle norme. Vous avez appris à fuir, maintenant vous apprenez à faire face, tout simplement. Pour cela, on gagne à accueillir, reconnaitre, exprimer et gérer ce qui se passe à l’intérieur de nous. Afin de favoriser ces apprentissages, les services de l’Unité Domremy peuvent notamment faire partie de votre coffre à outils.


En conclusion


Quiconque ressent le besoin de soulager une douleur sera en quête du moyen le plus efficace pour ce faire. Le recul nous permet néanmoins d’affirmer une chose : la solution qui parait la plus facile n’est pas forcément celle qu’on devrait retenir. Oui, les mécanismes de défense (déni, rationalisation. etc..) que l’être humain met en place sont par moment bien ancrés et complexes à déconstruire. Passer du déni à la reconnaissance requiert du courage, tout comme d’avoir l’humilité de prendre conscience qu’on a besoin d’aide. Rassurez-vous : se mesurer aux obstacles qu’engendre l’abstinence n’est rien comparé aux bienfaits qu’elle apporte ultimement. Par où commencer?⤵️


Unité Domremy de Ste-Thérèse - Organisme communautaire autonome d'intervention en dépendance
📍 56 rue Turgeon, Sainte-Thérèse │ 📞450-435-0808


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