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Photo du rédacteurSébastien Latendresse

Comment prévenir la rechute : entre se protéger des déclencheurs et leur faire face

Quand vient le temps de parler de la rechute et de sa place dans le rétablissement, les opinions divergent. Passage obligé, voire inévitable ou plutôt état à éviter à tout prix ? Nul besoin d'entrer dans cette polémique, je vous propose plutôt d’approcher cette question à l’aide de deux dimensions : notre environnement et nos stratégies internes.


Pour illustrer le tout, permettez-moi une analogie.


Si l’on est une bibitte sucrée, « on ne campe pas devant une crèmerie en plein régime ». Pourquoi? Parce que tenter le diable ne donne que très rarement des résultats efficaces. Disons seulement que les choses peuvent évoluer. On peut d'abord s'éloigner de la source (agir sur l’environnement) pour ensuite apprendre à y faire face sans céder aux compulsions (stratégie interne). Mais cette quête, très souvent associée à la reprise de contrôle, peut toutefois s’avérer très essoufflante, surtout dans un contexte de dépendance. On parle alors d’un juste équilibre entre évitement et exposition…

Éviter versus s’épargner dans la rechute


Les études le démontrent : les personnes qui font le plus preuve d’autorégulation sont celles…qui s’exposent le moins aux tentations. Une forme d’évitement temporaire, si on peut dire. Au fond, apprendre à se gérer c’est aussi apprendre à gérer ce à quoi on s’expose. Le but ultime est de rester en contact avec ce qui nous est cher sans constamment fragiliser notre objectif. Continuer de vivre, en s'ajustant à notre réalité. Par exemple, si j’apprécie me réunir entre amis au restaurant, mais que je perds excessivement le contrôle dans ce contexte, l’idée est de ne pas me priver de l'expérience éternellement. Aurais-je toutefois intérêt à cibler un endroit sans machine à sous? Serait-ce plus bénéfique de privilégier une salle à manger sans permis d’alcool? Tant que j’en ressens le besoin. En fonction de la problématique et de la fragilité, la stratégie diverge et évolue dans le temps.


Cependant, quand une quête incessante de reprise de pouvoir sur l’habitude nocive s’installe, apparait la périlleuse idéologie suivante : je suis capable de me contrôler. Toujours faut-il en avoir la capacité…


Accepter ses limites


Un homme se verse de l'alcool dans un verre
Cette histoire est plus commune qu'on ne peut l'imaginer.

« Martin consomme de l’alcool depuis des années et n’a jamais réellement été en mesure de contrôler la quantité ingérée ni même la fréquence. Il entame une démarche de rétablissement, mais se convainc d’abord de passer par la modération, préférant l’idée de devenir un consommateur fonctionnel. Il échoue constamment. »


Pour des raisons encore nébuleuses, les personnalités dépendantes auraient des prédispositions quant aux effets des substances ou activités agissant sur le système nerveux central. Cette prédisposition fait en sorte qu’ils sont d’une part, plus ou moins sensibles et d’autre part, plus ou moins tolérants. Ce déséquilibre mène parfois à des perceptions d’injustice, du ressentiment, de la honte ou bien des tentatives (souvent infructueuses) d’apprendre à « se gérer ». Pour ces personnes, la rechute est brutale et répétitive. C’est pourquoi un processus d’acceptation, hautement prôné par les fraternités anonymes (qui parlent d’admettre son impuissance), devient un précurseur à un nouveau mode de vie quand la réalité frappe en plein visage. C’est reconnaitre ses limites et s’épargner bien de la souffrance inutile. Évidemment, pour ceux chez qui s’installe une certaine « modération », le risque 0 n’existe pas. Ce qui est important, c’est de répondre à ces questions :


Quels sont les vrais motifs qui me poussent à poursuivre cette habitude? Que viennent-ils me dire ?

Autrement dit, qu’elle est la fonction de l'habitude, les besoins auxquels elle répond?


Apprivoiser ses déclencheurs


Une expression populaire suggère « de ne pas faire l’épicerie quand on est affamé ». Pourquoi? Parce que l’être humain est hautement influencé par son état interne. C’est donc nettement plus probable que des choix alimentaires douteux se concrétisent le ventre vide plutôt que le ventre plein. La réponse à notre besoin (se nourrir) devient primaire, et d’autres, moins urgents, comme le plaisir et la satisfaction s’y collent sournoisement. Voilà pourquoi il nous faut bien réfléchir à nos vulnérabilités avant de s'aventurer quelque part (5 à 7) ou vers quelque chose (conversation difficile). Voyons comment cela se manifeste au quotidien.


Un état de manque (craving) est une chose. Avoir l’opportunité d’y répondre, une autre.


- J’ai faim. J’ai envie de croustilles. J’en ai. Je cède. J’en mange.


- J’ai faim. J’ai envie de croustilles. Les armoires sont vides et les magasins sont fermés (environnement). Je résiste (stratégie interne).


- J’ai faim. J’ai envie de croustilles. J’en ai (pas d’action sur l’environnement). Je résiste (stratégie interne).


Même si 2 des 3 scénarios mènent vers « l’abstinence », un s’avère plus « facile » que l’autre, on s’entend? Remplacez maintenant « croustilles » par l’objet de votre dépendance et prenez conscience de ce qui vous habite. Probablement un malaise, un tiraillement, qui, rappelons-le, s’ajoutent au déclencheur initial.

- Je vis de l’insécurité. J’ai envie de boire et avoir l’impression de moins souffrir. J’en ai. Je cède. Je bois.


- Je vis de l’insécurité. J’ai envie de boire et avoir l’impression de moins souffrir. Je n’en ai pas et les magasins sont fermés (environnement). Je me résigne ou préconise une autre façon de gérer cette émotion (stratégie interne). Je ne bois pas.


- Je vis de l’insécurité. J’ai envie de boire et avoir l’impression de moins souffrir. J’ai de l’alcool (pas d’action sur l’environnement), mais je résiste en appelant une personne de confiance (stratégie interne).


À vous de déterminer l’approche à privilégier…


En contrepartie, ayez en tête une chose (une habitude, une substance, une activité) pour laquelle vous n’avez aucun intérêt.


- J’ai faim. Je n’aime pas les croustilles. Je ne les vois pas comme une option. Je choisis autre chose.


Pas trop difficile, n’est-ce pas?


Donc, en ce qui a trait à la prévention de la rechute, un déclencheur devient digne de notre intérêt dans la mesure où il occasionne des pensées désavantageuses, des états d’esprit qui fragilisent, des émotions intenses. Il en est un pour nous, pas forcément pour l'autre. Ces éléments sont tous susceptibles de mener vers l’agir (la prise de substance, jouer, texter son ex, outremanger, se masturber, etc), surtout quand un débalancement existe entre la proximité du déclencheur et notre capacité à y faire face. Autant quelque chose qu’on affectionne (envie de faire la fête) ou qu’on déteste (conflit), si on est « declenché » en plus de ne pas trop savoir quoi faire, le risque est exponentiel.


On peut d'ailleurs catégoriser les déclencheurs (ou facteurs de risque) ainsi :


· Facteurs intrapersonnels (la gestion des émotions, les pensées dysfonctionnelles)

· Facteurs interpersonnels (nos relations, les conflits, etc.)

· Facteurs environnementaux (les contextes propices [un mariage, un 5 à 7], endroits associés à la consommation [bar], la pression des pairs, etc.)

· Facteurs physiologiques (dépression, fatigue, craving)


Vous le constatez : moduler notre environnement est parfois une stratégie intéressante…mais pas toujours possible.

Défaire les automatismes


Il faut dire que les états internes se déclenchent différemment de personne en personne et peuvent, à l’occasion, s’avérer totalement inexplicables ou inattendus. Tels des nuages dans le ciel, ils semblent parfois apparaitre de nulle part ou sont de l’ordre de l’inconscient. Ils ne fonctionnent pas exactement comme la faim, réglée au quart de tour par l’hormone de l’appétit. C’est sans dire qu’aux dépendances s’ajoutent occasionnellement le sevrage et dans la plupart des cas, le craving. L’important demeure de savoir reconnaitre ce qui nous déclenche... et de le voir venir. Sortir du pilote automatique, si l'on veut. Personne n'apparaît par magie au casino : cela résulte d'une escalade de décisions, même celles en apparence anodines.

Une femme réfléchit au bord de la fenêtre. Elle semble anxieuse.
Les émotions refoulées refont surface et peuvent être difficiles à gérer, d'où l'importance de les apprivoiser.

Nous avons donc tout intérêt à comprendre les associations que notre cerveau a faites (et enregistrées) vis-à-vis de nos facteurs de risque, puisque la mémoire a son rôle à jouer! Pensons à un consommateur qui emprunte le même chemin au quotidien : il sera confronté aux mêmes commerces, aux mêmes adresses et fort probablement, aux mêmes envies. Le joueur compulsif adoptera les mêmes rituels ou superstitions. Le dépendant affectif enverra des textos répétitifs. Un chemin, ça se change, une routine, ça se brise, un cellulaire, ça se confisque. Or, ce n’est pas toujours aussi flagrant.


Par exemple, dans un contexte de rechute, si par le passé, des émotions comme l’anxiété ou la colère agissait tel un déclencheur, soit l'envie de « geler le ressenti », il est raisonnable de croire que le réflexe va persister. C’est ce qui est ancré, c’est ce qui est connu. Sauf que les émotions sont là pour rester, il n’est pas utile de simplement les éviter. Les vivre à froid, c’est une autre paire de manches. Adopter des stratégies efficaces pour faire face (accueil, mise en mots, défusion, respiration, etc.) devient une option à privilégier sans quoi un retour à la case départ est garanti. « Pas de vrais choix sans alternatives ». Une rechute, ça se prévient, mais ça se prépare aussi.


Adopter la stratégie appropriée


Bien que des éléments se situent au cœur de toutes les dépendances, chaque histoire est fondamentalement différente, nécessitant ainsi des stratégies adaptées non seulement à notre parcours (en termes de temps, d’expérience, d’outils acquis), notre état d’esprit (suis-je fragile, vulnérable?) et la nature du déclencheur (je ne peux pas simplement éviter mes émotions, sauf que je peux éviter les tentations), mais aussi à nos prédispositions (génétiques). Il peut être frustrant d’avoir l’impression d’être contraint dans nos choix : la résistance n’est jamais bien loin. Mais une fois qu’on s’accueille, qu’on apprend à se connaitre, on peut mettre en pratique des approches plus avantageuses pour faire face à nos enjeux personnels. Les vieux réflexes s’amenuisent, et les nouveaux prennent du galon. Après tout, c’est en faisant des choses différentes qu’on obtient des résultats différents.


Vous désirez poursuivre la réflexion? Voici quelques outils :


· Apprendre à communiquer de façon bienveillante pour réduire les conflits : https://www.domremystetherese.com/post/et-si-on-se-parlait-avec-bienveillance

· Apprivoiser le phénomène de l’accoutumance : https://www.domremystetherese.com/post/c-est-quoi-l-accoutumance

· La pratique quotidienne du soir : https://www.youtube.com/watch?v=N93D5hNyBdM

· Un Facebook live aux sujets variés :

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